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Freud a reconnu dans la détresse une expérience incontournable et inhérente à la condition humaine, expérience d’être jeté dans l’étranger, dans une dépendance absolue à l’Autre et confronté à l’énigme de son désir.

Pour désigner ce qui s’avère être un véritable acte de naissance du sujet, Freud a recouru à un terme de l’allemand courant, Hilflosigkeit, sans en faire un concept.

Avec Lacan, la dimension tragique de ce passage primordial se trouve accentuée d’être mise en perspective avec la fin de l’analyse.

Aussi fréquente que soit la détresse, dans les situations les plus extrêmes de la vie comme dans la répétition transférentielle, elle a cette propriété très particulière de donner lieu à certains renversements : avec l’Hilflosigkeit, contre toute attente, la déréliction peut se muer en béatitude, voire en extase ; les frontières entre l’intérieur et l’extérieur s’estompent, laissant place à ce qui pourrait s’appeler une relation intime avec le réel.

Des champs aussi divers que ceux de la mystique, de la perversion et de l’art prennent ces états pour socle. En ce point où, comme l’écrit Rilke, «ce qui nous abrite à la fin, c’est l’insécurité de notre être», s’abolit un certain mode de pensée des contraires ordinairement régi par la dualité.

La sublimation ne procède-t-elle pas de cette opération d’abolition qui rend caduques certaines oppositions, comme celle du bien et du mal, du beau et du laid ?


De déliaison en déliaison, se profile une position orpheline où se jouent les destins paradoxaux de la rencontre avec le sans fond : consentir à ce risque, s’y exposer, c’est pouvoir prendre appui sur le vide, du côté de la création, notamment de l’écriture.

Y être exposé serait encourir le risque d’être perdu. Entre ces deux à-pics s’ouvre l’écart acrobatique que l’artiste tenterait de maintenir.

«Il était seul. Il était abandonné, heureux, près du cœur sauvage de la vie.» (James Joyce)

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